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In Memoriam


Évocation du Frère Jean GAONAC’H par le Frère Alexis PESQUER 29 janvier 2023

 

Je n’ai pas en tête toutes les étapes de la vie du Frère Jean Gaonac’h, ni leur exacte succession. Je me contenterai de mentionner quelques lieux emblématiques, et m’attacherai plutôt à faire ressortir les traits marquants de sa personnalité.

 

Disons d’emblée que l’existence de notre défunt fait mentir, en quelque sorte, l’étymologie bretonne de son patronyme. L’adjectif gaonac’h renvoie à l’idée d’infécondité, de stérilité. À l’évidence, la vie de Frère Jean n’a pas été stérile, loin s’en faut.

 

Il est né à Édern, commune qui jouxte Briec-de-l’Odet. En plein pays glazick. Là encore, notre frère fait mentir son ethnie d’origine.

 

Le glazick se démarque des autres Finistériens par son approche de la réalité et de l’engagement. N’attendez pas de lui un oui ou un non d’emblée acquis. Il se réfugie dans l’évasif « Goël a vo ». Il nous laisse à l’inconfort du « On verra »… À l’évidence, le Frère Jean ne se réfugiait pas dans l’ambiguïté. Son propos était sans ambages.

 

L’enfance du Frère Jean se passe dans une petite exploitation agricole, dépendante du domaine de la Boissière. Le manoir appartenait à la famille Hallier. La sœur de Jean et son beau-frère seront jusqu’au bout les métayers de Jean Édern Hallier, le célèbre polémiste qui défrayait la chronique, à la radio et à la télévision, dans les années 1970-1980.

 

Le Frère Jean Gaonac’h occupe une place importante dans l’ancien district Saint Corentin. Il est régulièrement le bras droit des Visiteurs qui se sont succédé à la tête de cette entité. Il en est le représentant patenté à tous les chapitres.

 

En quels lieux a-t-il exercé ?

Au juvénat du Folgoat puis à Ty Carré à Châteaulin en tant que DAV. En ce dernier lieu il saura nouer des liens de communion et d’action avec le Petit séminaire de Pont-Croix, animé par des prêtres remarquables. Je citerai entre autres Yves Le Clech, René Jouannic, natif de Rohan, le bien connu Michel Scouarnec, Daniel Raphalen qui deviendra responsable national du MEJ à Paris. Jean est lui-même depuis toujours largement impliqué dans le mouvement, au service de la branche « Feu nouveau ». S’il pouvait parler, il nous dirait tout le travail que constituait la rédaction du bulletin mensuel « Feu nouveau ». Que d’heures de sommeil en moins, en raison de cette urgence, car il fallait en même temps ne pas déroger aux tâches de l’enseignement et de l’administration…

 

Au registre des établissements dirigés par lui, je mentionne le collège St-Stanislas de Saint-Renan, au lendemain des années 1968-1969. La situation y était explosive. J’en sais quelque chose.

 

Mention aussi au collège Saint-Joseph d’Audierne qu’il rendra florissant, au-delà même des limites d’accueil, et en dépit du déclin démographique inquiétant du Cap Sizun, déjà amorcé.

 

Mention encore à Saint-Blaise de Douarnenez. Il prend en mains la direction de ce collège populeux en 1985 et s’avise d’y adjoindre un lycée, en dépit du lycée public existant dont les capacités d’accueil ne sont pas saturées, en dépit aussi de l’attractivité de Saint-Louis de Châteaulin, et surtout du Likès Lasalle de Quimper.

 

Le projet est risqué. Et sa mise en route suscite, jusqu’au bout, les plus vives inquiétudes, quant à sa faisabilité… Le Frère Jean saura y impliquer le député-maire de Pouldreuzic (le pays du pâté Hénaff) Ambroise Guellec, et sans doute le député-maire de Quimper Marc Bécam, tous deux secrétaires d’État dans les gouvernements successifs Raymond Barre. Le lycée s’ouvre en 1987.

 

Projet audacieux. Trop peut-être !... Aujourd’hui le complexe Saint-Blaise (collège, lycée classique, lycée professionnel) voit ses effectifs osciller entre 500 et 550 élèves seulement…, dans une région à la démographie en chute libre et irréversible. Réalité douloureuse que le Frère Jean évoquait souvent…

 

Dans tous les cas évoqués, le Frère Jean s’investit jusqu’à l’épuisement. Il a le talent de fédérer les ressources des corps professoraux : son ascendant, son envergure s’imposent d’emblée.

 

À l’heure de la retraite, le voilà partant pour le Togo. À Ogaro, il prend la relève du Frère Adolphe Forest, à la tête de quelque 25 écoles villageoises.

 

À Aného, il assure un an la direction du collège Saints Pierre et Paul lorsque la maladie de Charcot annihile les forces du Frère Alain Audoire.

 

Dans les deux cas, il saisit vite les enjeux et fait face… Il est des expériences du passé qui vous préparent à toutes les nouveautés !…

 

À son retour en France, le Frère Jean réside à la communauté d’Ergué-Armel à Quimper et devient aumônier à l’hôpital de Cornouaille, engagement inédit chez les frères !...

 

Puis ce seront les années d’Hennebont. Là encore aucun retrait, mais l’intégration à l’équipe du Secours Catholique, et à le chorale locale, dite des « Moussaillons ».

 

S’il fallait définir la spiritualité du Frère Jean, disons qu’elle ne s’abreuve pas aux sources du mysticisme, de la contemplation ; elle est plutôt aux couleurs du mystère de Dieu qui s’incarne dans notre chair.

 

Jean participe à la naissance de Dieu dans le cœur des hommes, à travers les multiples facettes de son action d’hier. Et aujourd’hui, dans cette mystérieuse présence d’intercession dont parle la Lettre aux Hébreux et dont il nous faut mesurer les contours et l’enjeu vital pour aujourd’hui. Mystère d’un Christ toujours en humanité, mais cette fois à la droite du Père – en Intercesseur, en premier croyant, en premier priant en somme !

 

Josselin, veillée de prière du 29 janvier 2023

Manifestation pour l'enseignement libre - Paris Juin 1984

 

Photo : C. Le Borgne